Par Richard Niddam

A peine sorti de l’arche, au chapitre 9, versets 20 à 26, la Torah nous rapporte que Noah planta une vigne, s’enivra et se mis nu sous sa tente. Ham, son fils et père de Canaan, le vit et alla l’annoncer à ses frères Sem et Japhet. D’après Rachi, Ham castra son père pour l’empêcher d’avoir un quatrième fils. Noah, se découvrant castré, maudit Ham en lui disant que Canaan sera l’esclave de l’esclave de ses frères, c’est-à-dire que de la même manière que Ham-Canaan a privé le monde d’un nouveau projet (un fils), lui-même ne pourra jamais, en tant qu’esclave uniquement là pour obéir à son maître, être à la base d’un projet créateur.

D’ailleurs, vers la fin de la parasha, un homme, Nimrod, descendant de Canaan, va tenter de lancer un nouveau projet qui s’avérera catastrophique. Nimrod, dont le nom veut dire rébellion, Mered, décidera de se révolter contre D. pour tenter de devenir le maître du monde. Son projet est une tentative totalitaire en mettant la puissance des mots au service de sa ruse : il capture l’esprit des créatures par sa bouche et les incite à se révéler contre D., nous explique Rachi.

La Torah nous indique que tous les hommes parlaient une seule et même langue, presque une idée messianique que Nimrod va détourner pour asservir les hommes dans un projet totalitaire. Parce que cette capacité à ne parler qu’une seule langue peut aussi être totalitaire, au sens politique du terme, avec une maîtrise de la parole des hommes qui devront dire puis progressivement penser tous la même chose. Les Sages nous disent que Nimrod a transformé les socles de charrue en armes de guerre. En d’autres termes, il a détourné la puissance créatrice, bénéfique, du socle d’une charrue en arme de guerre pour conquérir et asservir des hommes et les conduire à un projet funeste, la Tour de Babel, pour s’attaquer au Roi des rois.

La punition de D. est d’ailleurs l’éclatement de la langue unique en 70 langues, ce qui va aboutir, d’après le texte même, à la destruction de la Tour de Babel en brisant le projet de Nimrod.

Arrive alors un nouveau personnage, Avraham, qui véhicule l’ultime projet : le projet monothéiste, celui non pas de la langue unique mais du Dieu unique. Il faut rappeler que ce texte de notre parasha a été enseigné aux Bné-Israël au moment du don de la Torah, dans le désert, un monde intermédiaire où ils erreront pendant 40 ans (comme les 40 jours du déluge). Ici, les Bné-Israël vont aller de Mitsraïm - premier fils de Ham - un monde de persécution où la parole est totalitaire, vers le pays de Canaan - un autre fils de Ham, celui qui a été maudit - dans lequel le projet est de réparer le mal fait par Canaan grâce à Abraham dont la vocation sera de faire vivre les hommes dans un monde de bien, de justice, de concorde et d’amour.

Chabbat chalom.